Les sans papiers de la conscience
Ils étaient inconscients, mais ils aspiraient à un monde meilleur. Ils savaient, au plus profond d’eux-mêmes, qu’il existait un monde où ils pourraient enfin se reconnaître une identité. Ils ont cherché, ils se sont informés. Ils ont marché sur des sentiers qui leur promettaient enfin la vérité et la liberté. Arrivés à destination, ils s’apercevaient qu’on leur avait menti. Mais où était-elle cette frontière qu’ils devaient traverser et où ils trouveraient finalement la paix, loin, loin de la domination de ces hiérarchies où leurs droits furent bafoués d’aussi loin que l’on se souvienne? Elle était là, tout près. Si près qu’ils ne pouvaient pas la voir.
Impossible! Rien à chercher, vous dites? Ils y sont déjà? Comment peuvent-ils croire cela quand tout ce qu’ils ont connu depuis des millénaires sont la souffrance et la misère? Voilà! Ils croient que ce qu’ils vivent est la réalité. Ce qu’ils voient n’est en fait qu'une inversion d’eux-mêmes. Ce n’est qu’une chambre à miroirs où tout est réflexion et distorsion. Ne voient-ils pas que le pays de liberté qu’ils recherchent est sur leur propre territoire et non à l’extérieur de celui-ci? Voici les clés. Chacune ouvrira l’une des nombreuses portes qui les affranchiront de l‘esclavage de la mort. Ce qu’ils y découvriront les mènera sur le chemin du retour à leur source, à l’intérieur d’eux-mêmes. Mais ce n’est pas ce qu’ils pensent. Chacun a son propre trajet. Ils doivent y aller seul avec eux-mêmes, affronter la peur, faire fi du doute et ne jamais regarder en arrière.
Ils sont les sans-papiers de la conscience. Ils marchent à contre-courant, à travers les ténèbres de l’inconscience. Leur liberté, aucun pays ne leur la donnera. Ils doivent se la donner à eux-mêmes. Faire volte-face à chaque fois qu’on leur laisse miroiter une quelconque vérité. Car, comme dans tout miroir, la lumière se situe à l’opposé de ce qui se reflète. Si elle se reflète à eux, c’est qu’elle vient d’eux. En faisant dos à cette ignoble tromperie, ils peuvent éclairer leur propre route sans être aveuglés.
La frontière qu’ils cherchent n’est pas de ce monde, mais elle est de leur monde et elle est la seule qu’ils doivent traverser, un pas à la fois. Les pièges sont nombreux, qu’ils prennent garde. Certains s’y croient arrivés; ils devront rebrousser chemin.
Ils sont les sans-papiers de la conscience...
Michèle Robinson
Avril 2010