La chaise électrique
Il grimace pendant que le courant lui passe dans tous les corps. Il le ressent jusqu’au plus profond de lui-même. Il a appris à ne pas se tortiller. Ça brûle, mais il ne pleure pas. Il ne pleure pas ou si peu. Il sait que s’il bouge trop la soudure ne sera pas efficace. Qu’elle laissera des fissures par où les infâmes vont pouvoir s’infiltrer pour le vampiriser de ses énergies vitales. Il se relève de cette séance et se regarde dans le miroir. L’image extérieure est la même, mais il sait que quelque chose a disparu pour toujours à l’intérieur de lui. Des reliques qui lui apportaient du réconfort psychologique se sont consumées.
Cette perte le fait souffrir. Il vit un deuil. Il meurt à petit feu. C’est la torture de la goutte d’énergie. Mais qu’en est-il en attendant? Que fait-il en attendant la prochaine séance sur la chaise électrique? Il appartient à deux mondes et, jusqu’à ce qu’il fasse partie un peu plus du nouveau et un peu moins de l’ancien, il doit marcher sur une ligne bien fine. La ligne de la folie, entre deux temps qui s’opposent et qui lui font perdre ses repères. Cependant, il s’aperçoit qu’il sait maintenant des choses qu’il ignorait auparavant. Des voiles se lèvent et un savoir cherche à se manifester, à se concrétiser.
Parler! La parole le soulage de cette énergie qui veut descendre. Quand il parle, on lui explique ce qui se passe. Il se sent renaître quand il parle, quand il échange avec d’autres personnes qui subissent le même sort. Il redécouvre enfin une partie de lui-même qu’il avait oubliée. Celle qui le vitalise, celle qui lui donne des ailes. Celle qui lui permet de créer et qui lui fait découvrir une liberté qu’il n’avait jamais cru possible. Un vide, rempli à craquer d’une énergie nouvelle, lui donne la possibilité de voyager à l’infini, s’il sait dépasser ses peurs et le doute de sa propre puissance nouvellement acquise.
Cette énergie le propulse vers une direction de vie qu’il n’avait pas envisagée. Mais cette direction de vie se manifeste à
chaque instant présent et n‘est basée sur aucune mémoire. Tout devient une occasion d’exprimer sa créativité s’il laisse passer cette intelligence, dépouillée des anciennes formes qui le sécurisaient dans son ignorance d‘antan. La beauté de l’arc-en-ciel doit dorénavant être reconnue pour ce qu’elle est: une réflexion, une illusion, une perte de temps. Maintenant, le rayon direct est celui vers lequel il doit tourner son regard, à l'opposé de cettte impression multicolore qui le magnétisait.
C’est le rayon qui vient de lui et qui l’électrifie chaque fois qu'il s’assoit sur la chaise électrique.
Michèle Robinson
Mai 2010.